Epine (ou Pipine <3)

Le jeune garçon courrait pour leur échapper; ses longs cheveux noirs plaqués contre son visage par la pluie battante; il s'engouffra brusquement dans une ruelle sombre, inconnue. Avec la fluidité de celui qui a l'habitude d'être traqué, d'être haï. Il prit le temps de souffler quelques secondes avant de poursuivre dans les tortueuses ruelles, qui le protégeraient de ses poursuivants encore une fois. Il était las de ce jeu continuel, de cette lutte perpétuelle pour sa survie.
Il sortit de l'ombre sécurisante d'un porche et accosta avec soulagement un grand homme, torse nu malgré la nuit et la pluie : «Tu es là Toufik.», dit le jeune homme avec soulagement.
«Comme toujours, bonhomme.», répliqua le dénommé Toufik en fixant la lueur brillant dans les yeux noirs de son jeune ami.
«Bonhomme»...cela remonte déjà à 6 ans...

~8 ans plus tôt~

Un garçonnet de 6 ans fend la foule d'un air espiègle. Il ne prête aucune importance aux gens qui se plaignent de son passage éclair, il rentre chez lui, il est juste heureux de voir ses parents. Enfin surtout son père, qui le rassurait souvent de sa voix grave en replaçant correctement les petites mèches noires de ses cheveux. Sa mère, elle, avait toujours été froide, et le petit homme sentait bien que les seuls sentiments qu'elle éprouvait pour lui était la haine, et la rancune. Il avait le don de sonder les sentiments des personnes, depuis toujours.
Il entra d'un pas léger chez lui et chercha son père dans la pièce principale, leur maison n'en contenant que 4, ça ne serait pas bien difficile de le trouver...Il entendit des éclats de voix. Celles de son père et d'un ..non deux inconnus. Le jeune brun se plaqua dans un coin protégé par les ombres, avec une dextérité qu'il ne se connaissait pas, et jeta un coup d'œil dans la pièce où se trouvait son père.
Comme le pensait le garçon, son père était avec deux hommes qui le poussèrent violemment contre le mur. La peur saisit le garçonnet, il savait que son père ne se laisserait pas faire...il ferme les yeux.
Il n'entend plus les bruits de luttes. Il ouvre les yeux doucement, avec appréhension, et si son père...non. Impossible. Une silhouette se découpait devant l'enfant terrifié : «Papa...?». Il distingua l'odeur de son père lorsque celui-ci le pris dans ses bras. «Écoute-moi mon fils.», commença-t'il d'une voix tremblante qui accrut la terreur du petit.
«Ces hommes sont là...étais là, dans le but de nous tuer...Toi et moi. Vois-tu, dans notre petit village, il a plusieurs clans, qui se haïssent depuis...aussi longtemps qu'on s'en souvienne. Comme s'ils n'avaient rien d'autre à faire que de s'entretuer...enfin bon. Le fait est que je descend d'un clan qui a toujours été radicalement opposé à celui de ta mère. Ouais, comme dans Roméo Et Juliette...
«Ricardo et Julie ? C'est quoi ?», demanda le petit garçon.
«Laisse, continua le père, et le clan de ta mère a toujours réglé ses problèmes dans le sang...ils sont fous, ces hommes ne pensent qu'à tuer. Tu ne devrais pas exister, bonhomme, ils t'en veulent. Ta mère aussi, elle m'en veut à moi également. Depuis quelques mois elle me fait peur...je crois qu'elle est un peu...comment dire..folle sur les bords. Je crois même qu'elle a engagé ces gens pour nous tuer. Tu dois partir, tu comprends ?
Le petit garçon, qui était extrêmement mature pour son âge, acquiesça rapidement et pris en vitesse quelques affaires : une photo, les deux poignards dont son père lui avait appris l'usage, quelques vêtements, des poupées de pailles, qu'il aimait confectionner lorsqu'il avait le temps.
Un doute le pris soudainement : «Papa, tu viens avec moi ? ». Aucune réponse. Il se précipita, dans le salon où se trouvait son père, et trouva sa progression ralentie par un liquide poisseux sur le sol. «C'est donc à ça que ressemble le sang.» se dit-il en apercevant son père, gisant au milieu de ce liquide. Il croisa le regard de sa mère qui ricanait...Curieusement, il ne pleura pas. Il en avait envie pourtant, mais le meurtre sous ses yeux de son père, par sa mère de plus, lui causa un choc. Il ne se sentait plus capable de pleurer. L'enfant de 6 ans saisit l'un de ses deux poignards, et regarda sa mère d'un air froid, absent...Un sourire. Une vie de moins sur cette Terre. 4 personnes étaient mortes par sa faute ce soir. « Décidément, je suis une épine dans ton pied dont tu n'arrives pas à te débarrasser. »,dit-il en crachant sur le cadavre de sa mère. «Epine»... autant en finir maintenant avec son ancienne vie. «C'est mon nouveau nom maintenant.», pensa le garçonnet en longeant le chemin qui serpentait hors de la ville, une lueur sadique dans les yeux...

~4 ans plus tard~

Des voleurs. Epine avait rejoint un groupe de voleurs. Toufik, leur meneur, un grand blond, fort bien battit, le considérais comme son son fils depuis leur rencontre, il y a 2 ans de cela. Toufik lui avait enseigné l'art de se battre avec un sabre, et, du haut de ses 10 ans, le jeune Epine s'était débrouillé pour apprendre à maîtriser son énergie, de l'ainé de la troupe, avant sa mort. Il enviait beaucoup l'arme de son mentor, Toufik, qui était d'une grande puissance, on racontait même que les dieux l'avaient offerte aux humains pour leur apprendre à contrôler la foudre. Les larcins s'enchainaient, les séjours en prison aussi, les fuites précipitées, de même. Malgré sa froideur apparente, le garçon s'était vite intégré aux autres brigands, ces derniers respectant la lueur de folie qui illuminait parfois ses yeux. Il aimait cette liberté, même s'il aurait préféré la vivre seul.

~Aujourd'hui~

« Comme toujours bonhomme. »
Epine bouillonnait. Il n'aimait pas qu'on l'appelle comme ça, mais il opta pour un sourire rassurant.« On rentre ? », proposa-t'il au grand brigand. Celui-ci hocha la tête et pris les devants en s'engageant dans une petite ruelle. Du haut de ses 14 ans, Epine s'empara d'un long poignard, et se faufila derrière son mentor. Il eût un sourire lorsqu'il sentit la lame s'enfoncer rapidement dans le cœur de son « ami ». L'homme était mort avant même d'avoir touché le sol.
« J'en avais sérieusement marre de toi et de ta bande d'incapables, tu sais ? », proféra-t'il à l'intention de l'homme qui l'avait recueilli et l'élevait comme son propre fils depuis 6 ans.
Le jeune homme repoussa une de ses mèches noires qu'il avait dans les yeux à cause de la pluie.
«Ah oui aussi, je t'emprunte ça». Epine fouilla le corps encore chaud du brigand et se redressa, une lueur de triomphe dans les yeux, une étrange lame dans la main. «Tu m'appartiens enfin, Odiosa. Ca fait longtemps que je t'attends.»Le garçon passa le genre de sabre dans son dos, rangea son poignard, et prit la direction de la porte principale, permettant de sortir dans la ville. Il eût une dernière parole pour le défunt chef des brigands : «Et je ne suis pas ton « bonhomme... ».

Epine admirait la lune, perché sur les hautes murailles de la ville. Ses pensées vagabondèrent vers le camp où la bande de voleurs avec laquelle il avait tant vécu les attendaient, lui et Toufik. « Je devrais peut être m'occuper de leur cas aussi...un peu d'exercice ne me fera pas de mal... », pensa-t'il. Il caressa la lame dans son dos, un rire incontrôlable le saisit. « J'ai vraiment un rire sadique quand je veux. On dirait ma mère. ». Cette pensée changea son rire en cri de rage. Il descendit rapidement de la muraille et s'apprêta à sortir de cette ville ennuyeuse lorsqu'un magasin attira son attention. Une chocolaterie. « Il faut bien que je teste Odiosa un peu... », pensa-t'il à voix haute.

Epine sortit enfin de la ville. Le lendemain on trouverait le patron, sa femme, et leurs 2 filles baignant tous les 4 dans leur propre sang et un chocolat encore chaud. Les pilleurs se rendraient aussi compte qu'il ne restait que très peu de chocolat dans les réserves du petit magasin.
Le jeune homme mâchouillait un carré de chocolat en observant le soleil levant d'un air pensif. Il était enfin seul. Cette solitude, il l'avait tant attendue. Mais il voulait aussi partir en étant sûr d'avoir emporter tout ce qu'il lui serait utile. « L'emprunt » d'Odiosa le rendait profondément satisfait. Il regrettait quand même de ne pas avoir tué le reste du groupe de voleurs, le jour naissant l'ayant empêché d'accomplir sa folie. Il était fou certes, mais pas assez pour affronter 7 hommes à lui seul. Cela n'empêche qu'il était enfin seul, sans autre but précis que d'essayer enfin de profiter de sa vie.